I) Le e-commerce intègre des nouveaux territoires dans la mondialisation
a) La pénétration d'Internet en constante évolution
La croissance de la pénétration
d’Internet et de la téléphonie mobile dans le monde est exponentielle. De nos
jours, l’infrastructure mobile est devenue aussi vitale que l’infrastructure énergétique ou
routière pour les économies des pays. On compte en 2014 près de 3 milliards
d’internautes dans le monde, soit environ 42% de la population tandis qu’un an
plus tôt on n’en comptait seulement 2,5 milliards. Comme toujours, la situation
demeure très contrastée entre pays du Nord et pays du Sud : « l'accès à Internet approche de la saturation dans les pays
développés (avec
une pénétration aux alentours de 80% pour la plupart) alors qu'une immense majorité (plus de 90
%) des
personnes qui n'utilisent toujours pas l'Internet sont des habitants de pays en
développement » d’après les
Nations Unies. Mais cette fracture numérique tend à s’atténuer avec l’avènement
d’Internet dans les pays émergents (en 2014, en Afrique par exemple, 20% de la
population est connectée contre seulement 10% en 2010).
Une fracture que les grands noms de la Silicon
Valley comme Google, Facebook ou Microsoft entendent bien diminuer en menant
des actions comme l’ «Alliance pour l’Internet abordable » visant à
connecter les régions déconnectées en diminuant le cout de connexion au web,
jusqu’alors peu abordable dans certains pays comme la Gambie où le cout mensuel
d’une connexion correspond à 747% du PIB par habitant. Par ailleurs, en menant
de telles actions, les grandes firmes s’assurent une place privilégiée sur le
marché prometteur de l’Internet dans les pays émergents. En outre, de
nombreux moyens sont mis en place (ou vont être mis en place) pour connecter
les quelques cinq milliards de personnes dépourvues d’Internet. D’où le projet
d’O3b Networks de déployer une constellation de satellites sur une orbite
équatoriale, pour, dans la lignée des projets comme l’ «Alliance pour
l’Internet abordable », fournir un accès à Internet en haut débit à moindres
coûts dans 150 pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et du Moyen-Orient.
Nous pourrions également mettre en exergue le projet « Loon » mené
par Google : des ballons stratosphériques gonflés à l’hélium, une solution
moins couteuse que la mise en place d’un satellite qui permettrait d’apporter à
l’intégralité de celles que l’on appelle les « zones blanches » (qui
n’ont pas accès à Internet) et ses 4 milliards d’habitants une connexion à haut
débit. Il apparaît donc clairement que malgré l’existence certaine d’une
fracture numérique, les grands acteurs d’Internet mettent en place des moyens
pour atténuer celle-ci et fournir une connexion haut débit à tous. Ainsi,
Internet croît très fortement dans les pays « sous-développés ».
b) Le chiffre d'affaires croît proportionnellement
Parallèlement
à cette croissance d’Internet, le e-commerce croît fortement dans le monde. En
2010, son chiffre d’affaires (mondial) était de 750 milliards de dollars, et
celui-ci a crû du double en quatre ans (1500 milliards de dollars en 2014). Mais
le millésime 2014 s’inscrit toutefois dans la lignée des années précédentes :
le e-commerce s’essouffle dans les pays développés. Prenons l’exemple de la France
où en 2005 le chiffre d’affaires augmentait de 53% et qui en 2014 a vu sa
croissance baisser à 15%, et cela est pareil pour le reste de l’Europe ou
encore les Etats-Unis. En revanche, là où la croissance du e-commerce est
exponentielle aujourd’hui, c’est bel et bien dans les pays les moins développés ;
en Afrique et en Amérique du Sud par exemple, le chiffre d’affaires a augmenté respectivement
de 40% et 25% en 2014. C’est sans doute le résultat de la disponibilité
croissante de l’accès aux bandes passantes et du développement logique qu’affiche
le secteur mobile. Mais le marché africain et sud-américain représentent à deux
actuellement seulement 3% du chiffre d’affaires mondial. La faible
pénétration d'internet, le faible taux de bancarisation, les difficultés
logistiques sont autant d’obstacles pour le e-commerce dans ces pays mais qui
tendent à s’atténuer grâce à l’émergence d’une classe moyenne notamment.
Et pourtant, nombreux sont les
grands noms du e-commerce à miser sur son développement en s’adaptant aux
conditions de ces régions. Théâtre d’un e-commerce en pleine croissance, l’Amérique
du Sud et l’Afrique sont d’autant plus accueillants envers les entrepreneurs
étrangers, contrairement à la Chine par exemple. Ainsi se sont inscrits comme
principaux acteurs du e-commerce Jumia (Afrique), Cdiscount (Asie, Amérique du
Sud, Afrique) ou encore Amazon (Amérique du Sud, Asie), ayant pour
principal objectif, (comme le traduit cette phrase du groupe Casino) « de construire à terme une position forte
sur des marchés où l'e-commerce amorce sa croissance » en
concurrence alors avec les sites régionaux comme Souq ou Jumia. Et pourtant, la faible
pénétration d'internet, le faible taux de bancarisation, les difficultés
logistiques sont autant d’obstacles pour le e-commerce dans ces pays qui
tendent cependant à s’atténuer notamment grâce à l’émergence d’une classe
moyenne férue de nouvelles technologies. Mais pas uniquement : sachant
que les années à venir leur offrent une opportunité d’étendre leur part de
marché en ligne, les e-commerçants sont prêts à réaliser des investissements
conséquents en matière de connexion Internet, de moyens de paiements, mais
aussi et surtout d’infrastructures. Une stratégie allant en synergie avec le développement rapide du e-business.
c) L'impact physique du e-commerce
c) L'impact physique du e-commerce
Mais ces investissements remettent sur le tapis le débat de l’impact
physique et environnemental du e-commerce sur les territoires. A première vue,
le e-commerce s’avérerait être moins nécessiteux en énergie que le commerce
physique ; le consommateur, qui en commandant de chez lui, n’utilise pas
sa voiture pour se déplacer en magasin. Mais surfer sur Internet n’est pas un
acte anodin. Même si l’en est inconscient, en passant commande sur le web, le
consommateur sollicite une importante quantité d’énergie : ordinateur, sa « box »,
mais avant tout un grand nombre de Data-centers (« centre de traitement de données » en
anglais). Puis, le e-commerce encourage la consommation, devenue plus simple.
De nombreuses études ont été menées pour mesurer cet impact, mais celles-ci
demeurent très théoriques, on estime qu’un achat sur la toile équivaudrait à 12 min d'utilisation d'une ampoule de 60
W, une consommation d'énergie fossile de 3 g de pétrole, ou encore l'émission
de 12 g de CO2 soit 1 km en voiture. Mais cette consommation est moindre
comparée au trajet de voiture pour se rendre en magasin physique et un magasin bien chauffé et éclairé.
Cependant,
même si l’équation reste difficile à effectuer, il est évident que le
e-commerce a un impact environnemental plus important sur les territoires où la
voiture n’est pas sollicitée pour aller faire les magasins ; comme les
très grandes villes par exemple. Mais outre les très grandes villes, là où la
voiture n’est presque jamais utilisée pour se rendre sur le marché physique, c’est
bel et bien dans les pays les moins développés. Dans ces pays où la culture
vivrière et la suffisance à l’artisanat a longuement été dominante, le
développement du commerce électronique et tout ce qui va avec (infrastructures,
trajets pour livraison, consommation énergétique des nouvelles technologies,
etc.) pourrait entraîner une augmentation de la consommation énergétique. Même
s’il est encore trop tôt pour le dire, l’e-commerce semble toutefois, à défaut
d’être totalement « propre », être moins nocif que le commerce
physique pour l’environnement.
d) Un facteur de développement
Par ailleurs, ce nouveau type de commerce s’inscrit
comme l’un des principaux facteurs de développement dans les pays moins
développés. Les emplois du commerce au détail, qui se faisaient alors rares,
tendent à se créer en masse grâce à l’avènement du commerce électronique. Qu’ils
soient livreurs, développeurs, logisticiens, tous ont obtenus des emplois
neufs, jusqu’alors inconnus dans ces régions du monde. Contrairement au reste
du monde, le commerce en ligne n’a, dans les pays les moins développés, pas
supprimé d’emplois comme les disquaires, les libraires, ceux-ci étant inexistant
là-bas. Cette création de nouveaux types d’emplois a très certainement entraîné
la prolifération d’une augmentation du niveau de vie, qui se traduit par
l’émergence d’une nouvelle classe moyenne, même si les inégalités perdurent. En
note en 2014 que 34% des 1,1 milliards d’Africains appartiennent à cette classe
moyenne (Avoir un revenu décent, une TV,
une voiture, un frigo, des toilettes, l'accès à l'eau et l'électricité..).
e) L'internationalisation des échanges
Si la toile devait être
connue pour une chose, cela serait sans doute pour la liberté qu’elle procure,
elle symbolise un vaste territoire virtuel, et sans frontières, dans lequel
l’individu est libre d’échanger. Sa nature techniquement sans frontières
a largement contribué à la mondialisation et elle se développe dans les
territoires les moins développés. La croissance exponentielle d’Internet a donc
entraîné une libéralisation des échanges avec ces pays. On note d’ailleurs dans
la plupart de ceux-ci un développement des flux d’exportations et d’importations.
De plus, l’engagement récent des e-commerçants dans des stratégies
d’internationalisation (qui développent leurs activités hors des frontières de
leurs pays d’origine), comme Cdiscount ou Amazon, a favorisé le développement
de ce processus. La réduction permanente des coûts de transports de
marchandises est également un vecteur de cette intégration des pays moins
développés dans la mondialisation. Ainsi il apparaît clairement que les terres
naissantes du e-commerce tendent à s’intégrer dans le processus de
mondialisation et à entrer dans ce réseau d’interdépendances internationales.